PATRICE GUAUS

EXECUTIVE CHEF LUXURY HOTELS AND RESORTS. International Chef Consulting

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Dernière île : Saint Jacques crues et mangues à la vanille et au thé Matcha

October 18, 2021

 

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Une île, une île encore et ce sera tout. Il me faut une île, une plage, un paysage aux dimensions de mon rêve et de l'enfance, une île nue sous les nuages.

J'imagine ses étendues longues et douces, le sable glissant sous les doigts en un rusellement soyeux et chaud. Je vois les herbes sur la dune, leur chevelure folle balayée par les vents, les rafales soulevant parfois le sable sur les crêtes en de petits nuages poudreux et scintillants sous la lumière. Le blé d'azur poussant sur le sol semble inviter le regard vers les hauteurs, ses tiges recouvertes de pruine et ses épis vert bleutés sont pointés vers le ciel.

Bien sûr cette île, ce paysage n'existent pas, ce ne sont là que des prétextes, mais pourtant je suis bien là, marchant sur la pente parmi les touffes d'herbe maigre, prêt à me retourner, le visage fouetté par le souffle du large, tout prêt de me retourner et d'être débordé par l'immensité. Cette île n'est qu'un prétexte et pourtant j'aperçois, durant ma lente ascension, les sommets des grands pins derrière la dune qui commencent à apparaître, les branches d'épines mêlées qui se balancent, formant des vagues vertes, profondes et épaisses. Pourtant je suis bien là, dans le chant continu et vibrant du vent passant dans les ramures désséchées par le sel, sur cette plage vers laquelle je reviens toujours, et qui en appelle d'autres, sous d'autres tropiques. Le sable n'en est-il pas toujours le même, ne vient-il pas de ces mêmes coquillages, de ces coques et de ce calcaire travaillé par le passage du temps, par le brassage continu des vagues. Ne s'agit-il pas du même déferlement ?

Quelques tamaris bordent le sommet de la dune, on aperçoit les hampes fleuries qui se soulèvent et dépassent de la crête, se découpant dans le ciel chargé de tonalités roses et turquoises, comme peut l'être parfois le ciel sur la côte. Plus loin ce sont des buddléias. Leurs branches courbes auréolées de fleurs légères appellent les papillons qui viendront goûter le nectar et le miel lorsque l'été sera à son apogée, lorsque le sable gorgé de soleil ne sera plus que brûlure.

En poursuivant ma progression, parvenu à une certaine hauteur, quelques oiseaux marins m'accompagnent qui semblent léviter, leurs ailes blanches dépliées face au vent leur faisant effectuer un vol stationnaire sur la plage et sur le miroir des eaux, à la recherche de crustacés ou de petits poissons remontant à la surface. Parfois ils quittent soudainement leur position et s'engouffrent dans un couloir d'air latéral plus porteur sans doute, et ils se mettent alors à voler en tout sens, tout à l'ivresse de leur légèreté, effectuant de grands cercles rapides se croisant au-dessus de la surface, dans une symphonie muette de mouvements alternants, ballet aérien et sauvage sur le tumulte des flots.

Juste avant d'arriver au sommet de la dune j'aperçois derrière le chemin qui s'enfonce dans les terres, la petite prairie qui borde la forêt, ses bois flottés aux formes préhistoriques et fantasques jonchant le sol sableux. Quelques pins parasol au port et à l'élégance asiatiques ponctuent le paysage de leurs silhouettes gracieuses. Des fleurs de sureau, comme des étoiles diffusant un parfum de vanille, invitent le regard, dans un scintillement blanc, à entrer dans les profondeurs de la forêt. Ce n'est qu'un prétexte et pourtant, je suis tout entier dans ce tableau, l'âme happée et saisie par le paysage. Quelques pas encore et me voici arrivé au sommet de la dune.

Alors je me retourne et mon coeur se perd au loin, dans les baïnes.

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En hommage à cette plage, et à toutes les plages qui auront marqué mon itinéraire, telles des îles de quiétude et de silence dans les péripéties de mon aventureux voyage, je veux juste présenter sur une assiette toute simple, des noix de Saint-Jacques crues disposées en cercle, comme des fleurs prélevées au coeur des océans, un concentré d'iode, en alternance avec des tranches de mangue fraîche, ce fruit des îles lointaines à la chair si savoureuse et douce. Une émulsion d'huile d'olive et de thé Matcha, dont le parfum accompagne, tel un ami fidèle venu des terres du grand Orient, une bonne partie de mes préparations, avec une pointe légère de vanille pour son goût boisé, viennent recouvrir l'assiette ainsi parée, avec la légèreté d'un voile d'organdi. Une gousse de vanille est ensuite déposée pour conférer à l'ensemble une tonalité végétale, avec un accompagnement d'herbes croquantes et de poivre de Timut au parfum acidulé, cette épice des sommets mystérieux des montagnes du Népal.

 

 

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